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Pourquoi est ce que vous devriez écrire ce personnage féminin

Dernière mise à jour : 13 févr. 2023

(Note : dans ce post je vais parler de « personnages féminins », de « filles » et de « femmes », comprenant les femmes cisgenres & transgenres. Cet article est uniquement dédié à la question de la représentation féminine dans les histoires mais je pense que ce discours peut s’appliquer à toutes les minorités qui souffrent encore plus du manque de représentation.)


Enfant, j’étais le genre de petite fille fascinée par les princesses, les guerrières et les fées. Lorsque je regardais un dessin animé ou jouais à un jeu vidéo, je m’identifiais systématiquement à « la fille » de l’histoire. Mes idoles et modèles n’étaient que des femmes, de Princesse Peach à Sailor Moon jusqu’à Nausicäa, je les ai toutes aimées et admirées.

Malheureusement en grandissant, je me suis aperçue de la pauvreté des rôles distribués aux femmes dans la fiction et surtout de leur absence dans les productions non destinées aux filles.

Il existe un réel désintérêt général concernant les personnages féminins, que ce soit du côté des écrivain.es que de celui des fans.

Cela ne s’est pas amélioré lorsque je suis rentrée en école de cinéma d’animation en 2016. A ce moment-là je découvrais comment les personnages féminins étaient considérés du côté créateur...


(Sailor Moon est une guerrière puissante et juste mais elle a surtout un rêve : se marier avec son amoureux. C’est ce qui fait d’elle une fille, dans le fond, « comme les autres ».)


Je me souviens encore d’un exercice de court métrage que la promotion au-dessus de la mienne avait réalisé. Sur la dizaine de projets, il n’y avait, dans mes souvenirs, qu’un ou deux personnages féminins. Celle dont je me rappelle apparaissait dans le film complètement nue et sa taille de bonnet de soutien-gorge faisait partie des informations marquées sur sa fiche personnage. Elle était la représentation du fantasme d’un homme alcoolisé.

Une amie très proche faisait partie de cette promotion, elle devait peindre un portrait de la mère Noël. Les professeurs l’avaient encouragés à la rajeunir pour qu’elle ait vraiment l’air d’une «MILF».

Quand est venu le tour de ma promotion de réaliser cet exercice, seulement 7 personnages sur 28 étaient des femmes ou des filles.

J’ai eu l’occasion de travailler en équipe deux fois sur deux projets de court métrage. Les deux fois nous avons pu fièrement proposer de belles histoires avec un casting 100% féminin, mais par deux fois, il a fallu négocier avec des femmes qui y voyaient une forme de « sexisme inversé ».

Parce que si Alice et moi n’avions pas résisté, si nous n’avions pas négocié, quitte à écoper du titre d’énormes chieuses, nous nous serions retrouvés avec 5 personnages féminins sur 28.

5 au lieu de 7, 7 sur 28, tant d’efforts, tant d’énergie, pour ne même pas s’approcher d’un semblant de parité, c’est ridicule.

Pourtant, je ne pense pas que les 21 personnages masculins ont dû faire l’objet de grands débats puisque après tout, un personnage principal est un homme par défaut. N’est ce pas ?

Au final, il est assez ironique de constater que nous étions celles considérées comme extrêmes pour ne vouloir que des femmes dans notre histoire. Avons-nous l’obligation de plier nos récits à la parité alors que la majorité des gens en font fi au dépend des femmes, sans que jamais cela ne soit questionné ?

De mon côté, ma philosophie est simple : je sais que les personnages féminins sont souvent négligés et minoritaires et je sais que lorsqu’elles sont présentes, leurs rôles sont généralement très limités. Alors je veux dédier mes histoires aux femmes, toutes mes histoires. Pour moi, il faut que la balance se rééquilibre et pour y remédier je n’ai qu’une envie : jeter un gros poids dessus.

Alors bien sûr, c’est une solution radicale mais c’est ma propre façon de me venger de la misogynie dans la création, c’est comme ça que je veux mener mon combat.

Mon but n’est pas forcément de vous convaincre d’écrire uniquement des personnages féminins mais plutôt de vous inviter à leur faire plus de place dans vos œuvres, si ce n’est pas déjà le cas.


(Le studio Ghibli est souvent applaudit pour ses héroïnes marquantes et uniques… Pourquoi devrait-ce être une exception ?)


Si vous avez tendance à créer des personnages masculins par défaut dans vos histoires, je ne veux surtout pas que vous vous sentiez acculé.es ou honteux.ses. Plutôt, j'aimerais vous inciter à remettre en question ce mécanisme et à en rechercher la source.

Il y a des chances que vous privilégiez les personnages masculins par habitude ou tout simplement car vous avez subi le manque de représentation féminine. Par exemple, les filles sont rarement les protagonistes d’aventures incroyables. Vous écrivez une aventure incroyable, vous choisissez un protagoniste masculin et ça ne vous vient même pas à l’esprit de créer une fille puisque vous ne l’avez jamais vu. C’est le serpent qui se mord la queue.

Intéressez-vous aux femmes, pas seulement aux personnages, aux femmes qui sont autour de vous, vos amies, votre famille. Elles sont plurielles, elles ont toutes une vie intérieure riche et une personnalité complexe qui leur est propre, inspirez vous d’elles pour vos récits, rendez leur hommage. Si vous êtes une femme, rendez vous hommage.

Il en va de même pour les héroïnes de vos œuvres préférées, je sais qu’il y a énormément de personnages féminins mal écrits et fantasmés qui ne sont que des copiés/collés du même trope misogyne. Mais je vous assure qu’il existe aussi un bon nombre de personnages masculins tout aussi inintéressants, pourtant, ils ne semblent pas faire l’objet du même traitement…


Ce phénomène très intéressant est souvent présent dans les fandoms; les personnages masculins suscitent bien plus souvent de l’intérêt, même lorsqu’ils sont peu ou mal écrits. Lorsqu’un personnage, qui est un homme ou un garçon, paraît incomplet, ce sont les fans qui vont le sauver afin de lui donner une vie intérieure riche en extrapolant des petits morceaux de caractérisation que les écrivains auraient laissé. On va supposer que même si ce n’est pas raconté dans l’histoire, ce personnage masculin a une vie riche et on va tout faire pour lui en inventer une.

De l’autre côté, lorsque les personnages féminins ne présentent pas ou peu de développement, on va partir du principe qu’elles ne sont tout simplement pas intéressantes et que ça ne vaut pas la peine de les approfondir : elles sont et resteront mal écrites, il n'y a pas de sauvetage.


(le jeu Genshin Impact s’adresse avant tout à un public masculin, proposant de nombreux personnages féminins généralement sexualisés. Cependant, le fandom semble avoir choisi de les laisser à leur sort de « waifus »…)


Dans ce jeu, la majorité des personnages sont des femmes, pourtant elles ne suscitent que peu l’intérêt des fans (si on compare avec les personnages masculins), même lorsqu’elles ont une belle histoire. Il est souvent fait la blague qu’elles ont toutes la même personnalité ennuyante de « femme qui travaille trop et qui est fatiguée » alors qu’en réalité, le jeu propose une belle diversité de caractérisation chez ses personnages féminins. Nous avons des leaders, des sorcières, des déesses, des filles ordinaires, des commandantes, des pirates, des esprits… Elles sont stratèges, sérieuses, gentilles, marrantes, espiègles, séduisantes, intelligentes, malignes, sournoises, sages… Mais elles sont si peu explorées et elles suscitent généralement l’indifférence.

Il existe un personnage qui n’a ni nom, ni visage et dont on sait très peu d’informations : l’ami décédé de l’un des héros. C’est le fandom qui s’est chargé de lui inventer un prénom, un visage, une histoire… A tel point qu’il figure dans de nombreux fanworks tandis que certains personnages féminins, pourtant plus impactant, restent oubliés.


La question ici n’est pas de se demander s'il est obligatoire d’écrire ou de s’intéresser aux personnages féminins ou si vouloir écrire un personnage masculin est forcément une mauvaise chose (je le précise au cas où : ce n'est pas forcément une mauvaise chose). J'aimerais plutôt qu’on se demande ensemble, pourquoi est ce que la majorité des gens, même les femmes, semblent se désintéresser d’elles au point de ne même pas les considérer dans leurs récits ? Il reste pourtant encore tant de pistes à explorer, tant d’histoires à raconter


(Dans “The Owl House” Eda est une sorcière qui prend sous son aile une jeune humaine, Luz. Cette relation mentor/élève entre deux femmes est, à ma connaissance, très rarement représentée.)


Si vous êtes créatif.ves vous avez sûrement déjà entendu cette phrase que les gens aiment bien ressortir de temps à autre: « Tout a déjà été fait, tout a déjà été raconté ». Je trouve qu’il n’y a rien de plus faux. Il y a des milliers d’histoires qui n’ont jamais été entendues et ce sont surtout celles des minorités. Je suis profondément convaincue que c’est maintenant qu’il faut les écrire. L’homme, avec un petit h, est à tort considéré comme le référent universel mais on voit bien aujourd’hui que c’est parfaitement faux. Nous avons plus que jamais soif de représentation.

Je sais qu’inclure majoritairement les femmes dans ses histoires à un coût. Vous allez sans doute vous priver d’une partie de votre potentielle audience et il y a des chances qu’on vous pose régulièrement l’idiote question « pourquoi que des femmes ? ». Peut être qu’on vous dira « dommage que ce ne soit pas plus équitable » mais sachez qu’en retour, il y a des centaines de personnes qui vous remercieront de leur offrir un récit qui les met enfin en lumière.


Croyez-moi, ça en vaut la peine.


Merci beaucoup à mon Alice et à @kami._kaze._ pour la relecture ♥


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